Harold and Maude - Hal Ashby
Harold est un jeune de la haute, pété de thunes mais totalement aliéné de la vraie vie par une mère superficielle mais exigeante. Il laisse le temps s’écouler en mettant en scène des simulations de suicide. Maude va sur ses 80 piges, elle est aussi dans son monde à elle, mais elle s’y éclate à donf. Tout deux pratiquent le funeral crashing1, et à force de se croiser lors des enterrements qu’ils piratent, ils deviennent potes, et semblent vouloir se pécho.
Les impressions
Quand on est un tantinet réceptif à un humour absurde et froid et qu’on regarde ce film, on rit beaucoup. C’est déjà bien. Mais pas que.
Le film met superbement en scène cette impression rare mais familière de reconnaître quelqu’un. Le jour de la rentrée, ou le premier jour dans un nouveau job, on scanne les nouvelles têtes et on cherche avec qui on va être copains : qui a l’air d’être fait du même bois, qui a des yeux qui nous parlent, et qui va nous aider à tromper l’angoisse de ne trouver personne qui va de pair avec ce genre d’événements. On cherche celui qui va porter un beau tee-shirt des Beatles, le maillot du Stade Brestois, va avoir des badges sur son sac, tout cela sert de costume d’apparat à ces cérémonies platoniques. Maude va reconnaître Harold, et lui faire découvrir l’amitié, d’abord, mais quand on est un homme et une femme, chacun hétéro, ça peut vite déraper vers autre chose. Grand bien leur fasse.
Un détail dans le film est essentiel : le tatouage de Maude, stigmate de son passage dans les camps de concentration nazis. On a vite fait de passer à côté, mais ce détail aide à comprendre qu’après ce trauma, Maude existe pour vivre et est très à l’aise avec la mort. Elle en est même curieuse et lui donne rendez-vous. Harold, lui, est une âme candide, innocente, pris de vertige par le vide de sa propre vie, croit que la mort peut être la solution de son incapacité à vivre. Ces deux-là ont donc beaucoup de chose à se dire, et on n’est jamais choqué par la différence d’âge, tellement extrême qu’une division en serait une expression mathématique plus adaptée.
La musique qui va avec
Quel genre de musique peut bien s’accorder avec un humour aussi noir et froid que celui du film ? Celui qui contrastera par sa chaleur et son intimité bien sûr ! Si Elton John avait été envisagé pour composer la musique du film, c’est finalement Cat Stevens — devenu depuis Yusuf Islam — qui s’y colla pour un résultat parfait. Une paire de compositions originales — Don’t Be Shy and If You Want to Sing Out, Sing Out — et quelques instrumentaux et réinterprétations de ses titres et le tour était joué.
Pour moi, Cat Stevens était surtout l’auteur de Father and Son et de Wild World mais après Harold and Maude, mon affection pour lui est montée en flèche, alors si t’as envie de chanter, chante.
Mais dites-donc… Un couple entre un homme jeune et une femme plus âgée, le tout accompagné par une bande-son folk du plus haut niveau ? Ça ne vous rappelle rien ? The Graduate bien sûr ! Dave Crewe, de ccpopculture, se plie au jeu de la comparaison bien mieux que je ne saurais le faire, donc je vous recommande la lecture de Double Feature: The Graduate (1967) and Harold and Maude (1971).
Update : We’re Going to Be Friends est une autre chanson qui capture bien le déclic de la reconnaissance les jours de rentrée :
La suite ?
- Le film fut adapté au théâtre où il fut un succès à maintes reprises, parlez-en à Madeleine Renaud, Denise Gray ou Line Renaud.
- Le relatif anonymat d’Hal Ashby ou des interprètes Ruth Gordon et Bud Cort est assez étonnant étant donné le caractère culte du film (dixit Wikipedia et The Ringer2). Une alchimie réussie pour un coup parfait. Bravo.
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Le site le classe 44ème sur 50 de son classement des 50 meilleurs films cultes, quoique ça puisse bien vouloir dire. ↩